/e/ exposition/programmation / De la tendresse, vol.II, an anti-critical show by Placement Produit
by Eladio Aguilera, Sosthène Baran, Taisiia Cherkasova, Max Fouchy, Misha Gudwin, Clémence Mars, Pierre-Alain Poirier, Iuliia Skromnaya N°.001 posted
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Dans la continuité directe du premier volet de l’exposition De la Tendresse, le projet prend pour point de départ la volonté de produire une exposition absolument anti-critique et dénuée d’ironie. Un parallèle est proposée entre la tendresse vécue entre les être au sein du foyer et celle vécue avec les objets du quotidiens: la maison glisse de l’espace symbolique vers la matérialité.
Les artistes viennent alors confronter à l’espace post-industriel de POUSH - typique des ateliers d’artistes du bassin parisien - des œuvres sensibles invoquant l’univers domestique; ils se font bergers d’un ensemble de gestes qui s’inscrivent dans le champ d’une tendresse quotidienne, comme les traits d’union entre les êtres et les artefacts.



ROOM TOURS

Je vais te laisser entrer vraiment, vraiment chez moi.

L’inhabité est toujours occupé, son vide sait se remplir. Son rien ? Un tout.
Faut que je trouve quelqu’un, tout seul, c’est tout moi, tout moi.

C’est mon panier à souvenirs, y’a pleins de trucs dedans depuis le collège.
Au dedans il n’y a presque pas d’âge ou plutôt il y a trop d’âges. Ils s’empilent, se renouent, remuent dans ce ménage mais ne passent jamais.

Quand on a dix-neuf ans dehors, chez soi on en a encore que dix-huit, douze ou six. Alors on bataille, on crève les derniers restes de reste, dans les moindres recoins de recoins. Le fameux ballon des dix-neuf, j’ai éclaté celui des dix-huit ans parce que ça y est il était énorme et qu’il se dégonflait pas. Puisque les anniversaires ne s’éteignent pas, puisqu’au contraire tout avance, il faut éclater.

S’éclater. Relire par derrière ce qui s’oublie, le relier avec ce qui va s’oublier. Ma boîte à souvenirs : y’a des trucs qui rentrent pas dedans, c’est mes p’tits souvenirs. Un âge ça ne se rentre pas, ça traine à en laisser des traces. Impossible de l’emboîter, ça déborde, ça déboîte.

Une p’tite célébration à ma chambre qui a lieu aujourd’hui ! D’habitude c’est plutôt les verrous, les culs de sac fermés à double et en demi-tours, les serrures comme des coquilles. Ici il n’y a même pas de porte. Hello bienvenue chez nous. Rien à ouvrir, personne à faire entrer. C’est là qu’on enlève les chaussures.
Le chez et le simplement là se confondent. La pièce apparaît, saute devant nous, bondit et nous entoure. Aller dehors, voir la partie extérieure. Une antichambre forte qui n’existe qu’en dehors. Un contre espace retourné en doigt de gant. Le seulement intérieur se retrousse, on voulait s’étaler dans l’entrée, ou étaler l’entrée au-delà de ses murs.

Et puis ce plan nu, ces cloisons qui se gonflent vers l’extérieur, ce fourre tout, vêtements de maisons, roulés en boule ici. Pour être célébrés ils se pénètrent et s’incarnent, c’est-à-dire se lient à nouveau en dedans. Enroulés ensembles dans les étagères, ils retrouvent leur influence. A l’extérieur par contre tout s’éloigne, se traverse par afflux. Tout est hors de portée. Dehors sans porte.

Une chambre est une infratopie. Un lieu du dessous pris par le dessus, toujours référé par ce qui le surplombe. Ce fond plat, déjà fin en soit, peut être démonté en maison de poupée. Sous les voûtes et les plafonds existe encore, après la fin, une chambre.

Faire vie chez soi serait donc peut-être faire vie sous la surface : mystère, tout ce que j’aime, réfs à moi même, codes maculés. Dans ma chambre se confondent mes peluches, mes livres et mes amours nocturnes, tous extraits d’un extérieur périlleux qui, de nouveau ailleurs, retrouvent le réconfort d’un intérieur enfoui, d’un là devenu chez, en dehors du dehors, nouvelle foule loin de la foule.

Tout ce que j’aime, tous ceux que j’aime.

Un autre endroit à nous, on est toujours côte à côte avec Tom on se met ensemble. D’une côte à l’autre, de ces deux côtés, les corps se resserrent. Point de contact, entre les côtes en tact. De ces petits fouillis et des quelques bricoles, comme des points saillants qui nous guident, jaillit finalement la combinaison du casse-tête. L’être ensemble, celui des corps, des mots, des objets retrouvés, révèle le grand ensemble secret dans lequel il a été possible de dire que nous
étions chez nous avec d’autres.

Tous.tes retrouvé.es entre deux hémisphères. Tom c’est vraiment ma moitié : deux semis qui font un tout, s’englobent sous cette sphère domestique. Parfois c’est vrai on a besoin de son amoureux, non ?

Chez soi il faut s’enfouir, terraformer le méconnu, habiter c’est habiliter. J’ai les pieds sur mon parquet, on est dans l’appartement. Mais cette matière ne suffit jamais. Quelle est cette texture vraiment, vraiment plus intime ? Tout mon bordel soudain s’échappe, pour lui résister elle dit c’est organisé dans ma tête.
C’est mon amoureux en fait je mets son parfum sur mon oreiller pour avoir son odeur. Ca m’aide beaucoup quand j’ai des p’tits coups de mou. De toute façon moi c’est partout.

J’ai l’impression d’être dans une petite cabane j’adore.
Mon H24, mon quotidien, ma petite grotte.
Fin fond.

/e/ exposition/programmation / Smokestack Lightning
by Jesse Wallace N°.002 posted
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Si la photographie est d’abord un saisissement de lieux, lieux réels, parcourus, documentés, et lieux comme cloisonnés par la prise de vue, par le cadre de la machine et du support imprimé, Jesse Wallace l’ouvre dans l’espace. L’image-souvenir ne se limite plus à son lieu visiblement commensurable, elle devient la parcelle d’une étendue. Le lieu du souvenir photographié et le souvenir comme lieu s’étendent, se propagent dans la structure environnante. Il n’y a plus de lieux car la structure cadrante n’existe plus, le souvenir déborde de ses cloisons, devient un maillage architecturé, un espace sans limite.

Le lieu premier devient une métonymisation de l’espace infini. En d’autres occasions, Derrida comparait déjà la métonymie à un faufilement 1. Un bond au-delà du cadre, une déchirure discrète dans laquelle Jesse Wallace se glisse. De cette béance nouvelle s'échappe de la fumée ou une lumière. Les lieux en fuite hantent l'espace jusqu’à sa possession totale. Quels mythes endormis exhume-t-on d’un sarcophage? Quelles histoires se chuchotent encore dans les entrailles d’une valise ? Y-a-t-il un spectre lointain derrière toutes ces portes ? Pour l'explorer, Jesse Wallace ouvre le tombeau, la poche, la fenêtre ou l’objectif jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’image souvenir à faire revivre et, qu’au contraire, l'empreinte prenne vie et se propage.

Cette ouverture de lieux initiaux vers l’espace infini est aussi le signe d’un autre faufilement. La photographie de Jesse Wallace est d’abord documentaire, c’est une prise de vue instantanée sur une matière autonome. Cette documentation nécessite la localisation, le découpage du sujet dans son contexte. En devenant espace l’œuvre change de substance et se transforme en un objet de fiction, de spéculation pour un infini inconnu. Elle n’en est plus un cadran extérieur mais un fragment immanent. L'archive solitaire au fond des tiroirs commence à s’illuminer. Quelque part en elle une rumeur palpite. Mais le documentaire et la fiction ne sont chez Jesse Wallace que des échelles possibles, emboîtés l'un dans l'autre ; du travail documentaire premier émerge la fiction en excroissance.

Malgré tout, cet espace est devinable par des parages : une vue depuis une fenêtre dans Hotel Hollywood Roosevelt, le seuil d’une bicoque dans Crater Rim dr, la vapeur d’un gouffre dans Smokestack I. Des parages qui agissent comme la survivance discrète d’existences alentour, en marge du lieu. Ce n’est plus une expérience seulement sondée et parcourue mais entièrement rattrapée. Rattrapée dans l'objet, la compression de l’ambiance se faufile dans des boîtes, des caissons, des sacs à dos ou jusqu’au fond d’un cendrier. Ce serait peut être là l'inventaire du parfait maraudeur, incapable de s’arrêter, toujours prêt à se remettre en mouvement comme si son saisissement ne pouvait se réaliser que sous de mauvais présages ; ainsi l’expérience se résorbe sur elle-même. Jamais enfermé, allant d’une poche à l’autre, d’une cigarette à la suivante, repoussant les couvercles, le parage continue de vivre en secret. Crucifié à son cadre sac, Condominium Back Load continue de respirer.

Devenue autonome, occupant l’infini comme un fantôme, l’œuvre bascule hors du temps évolutif, dans une dimension achronologique. Décadré, le lieu est insituable. Les nœuds d’instants et de durées ont été défaits, incapables de retenir ce mouvement en faufilement. Une comète solaire se répète en boucle. Plus loin, des mégots en feu de camp sont ravivés. C’est un passage rituel célébré aux LED clignotantes et aux cendres brumeuses comme autant d’éléments incantatoires annonçant une nouvelle propagation vers des territoires infinis et inconnus.


1 - Jacques Derrida, Trace et archive, image et art (conversation à l’INA avec le Collège
iconique, 2002), INA, collection Médiamorphoses, 2014, p.8

/e/ exposition/programmation / L'éloquente triple flûte
by Victor Delestre & Victoria Palacios N°.003 posted
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Trouble Fête

Le spectacle de l’apocalypse psychédélique a commencé, sans vous, sans moi. Demain nous ne serons déjà plus là, mais le spectacle continuera. À l’heure où la ville s'éteint, nos âmes se cachent dans la pénombre où d’étranges phénomènes prennent place.
Une nuit, il y a plusieurs siècles, dans un bistrot sombre, une chimère moustachue aux yeux bleus comme la lune de Colombine, me regarde l’air hagard. Assis·e à côté d’iel, un être emperlé de nacre sans valeur, tourne de ses mains gantées la molette d’une boîte à musique, une ritournelle interminable s’en échappe, enivrante. Du bout de ses lèvres insoumises, une marquise amphibienne, pareille à une charmeuse de serpents ou une guideuse de rats, vide ses poumons et sa bave dans une cornemuse tremblante.

Cette nuit-là, une pluie de prophètes, hampés en doubles croches, s’est
abattue sur la ville. On raconte que l’un·e d’elleux a séparé les corps de la
chimère et que depuis, ils errent en solitaires. Désormais, le silence a la
même durée qu’un demi-soupir. Les façades d'immeubles se sont ouvertes,
laissant des gouttes de musique ruisseler entre les cicatrices de la ville. Des
fumées de questions sans réponses, éblouissantes, se propagent depuis les
plaques de dégoût.

Dans cette ville nouvelle qui crie qu’elle a mal, on joue à lire notre futur
pour l’oublier plus vite, on se frotte à nos échecs en lisant les alignements
des planètes. J’ai le vertige en regardant la voie lactée. Nos coudes s'effleurent
autour des tables rondes et partageant le poids de nos peines, on
se sent plus fort·es ensemble. Les verres s’entrechoquent, les gouttes de
venin s’évadent dans l’air impur et retombent sur tes lèvres. Je bois cette
liqueur qui pétrifie mes pensées. Je suis la mouche, tu es l’araignée qui
me momifie, tu tisses toujours plus vite, tu m'enveloppes encore plus fort.
Bzzz. Bzzz. Dans la chaleur moite de l’été, nous dégustons des glaces à
l’amiante. Elles dégoulinent sur mes doigts et tu lèches l’intérieur de ma
paume, jusqu’à ce que ta tête tourne et que mon coeur s’arrête. Dans cette
cuisine amoureuse, je trouve le délice dans le goût de la mort. Chaque matin,
je me calcine le sang en attendant que les tartines crament lentement,
comme ma peau sous le nouveau soleil. Le glas du chant des cigales retentit,
une pluie inespérée tombe sur mes joues chaudes. Immobiles, nous
fumons en regardant l’horizon de la ville s'écrouler, le bitume fondre sous
nos pieds égarés, les immeubles d'antan s'effondrer.

Sournoise et malicieuse, la lumière se balade sur les bords de mon ombre.
Elle s’échappe dès que j'apparaît, elle me fuit, mais me rattrape toujours.
Mon corps se liquéfie sous vos regards diluviens. Personne ne peut plus
m’attraper, ni vous, ni la nuit, ni la lumière. Je me faufile dans les rues vides,
glisse sous les portes, entre par les serrures et les fenêtres entre-baillées
pour ne pas laisser s’échapper la fraîcheur de l’imaginaire. Je vous regarde.
Les télévisions illuminent vos visages translucides, vos corps gélatineux
s’endorment dans des canapés de plombs qui vous emprisonnent dans des
rêves mortifères et silencieux. Les théières se brisent pour ne plus vous
servir. Les ampoules explosent pour ne plus vous guider. L’attraction terrestre
s’arrête, pour ne plus vous porter. Les maisons tombent. Elles se
renversent sur elles-même à chaque rotation de la terre. Maintenant, je
marche sur vos murs, écrasant pas à pas, la précieuse banalité de vos souvenirs
encadrés. Je vous quitte.

Dehors, les rues sont toujours molles, la lumière m’évite encore. Dans
le fond d’une ruelle, j'aperçois l’ombre d’un des corps de la chimère. Je
m’approche, elle s’échappe. Un escalier en colimaçon est entrouvert.
Sous quelques marches relevées, une lumière poudrée qui sent le whisky
s’échappe, et le goût d’un vieux jazz s'engouffre dans mes oreilles. Je me
glisse la tête la première et tombe dans ce trou béant. Les lumières rouges
s’amusent encore de ma chute. Les verres vides me regardent en chien
de faïence. Des yeux bleus, comme la lune Colombine, se reflètent dans
un miroir, elle observe la scène, tapie dans l’obscurité. De quoi avez-vous
peur ? Un groupe de cafard·es dégustent une flaque de vin qui perle sur les
pierres noires. Sur la scène, une main géante gratte une vielle à roue. Les
touches blanches du piano n’en font qu’à leurs têtes. Les touches noires en
ont vraiment marre. Le piano s’allonge sur le sol comme un animal apeuré.
Il aimerait pouvoir se glisser sous une porte et attraper tous les moutons
de poussière avec lui pour ne plus être seul, résonnant chaque nuit dans
l’amertume de sa noblesse ou de désarroi de son désaccord. Il veut être
libre, comme l’accordéon qui sourit aux touristes, ou la chaîne stéréo portative
que cet être-triste-heureux tire à bout de bras dans la rue, nous
plongeant dans la bande originale de nos vies, pour faire danser nos corps
suintants, enviscosés dans nos t-shirts à bas prix.

Depuis cette grande bouffonnerie qui marqua notre siècle, les aiguilles
tournent de la lune au soleil. Les corps solitaires de la chimère se sont retrouvés
le 241e jour de l'année du calendrier grégorien. Sous le signe du V,
elle signe à quatre mains, deux têtes, deux yeux bleus (comme la lune de
Colombine) et une moustache, des oeuvres pareilles à des bas-reliefs, qui
nous éclairent sur une nouvelle réalité fantasmagorique. Elles préfigurent
les commentaires rétrospectifs d’une existence qui échappe au réel. Devenant
le spectacle burlesque d’une société désertée, où les paradigmes
s’inversent, les scènes du quotidien surgissent d’un univers où sornettes
et balivernes deviennent les paroles dominantes. Je ne sais d’ailleurs plus
dans quel sens tourner mon sourire et ma peine. Pleurez, riez, mourrez,
toustes en coeur. Nous sommes le 252e jour de l'année du calendrier grégorien
et le spectacle continue.

>> Une expérimentation sonore d'Octave Courtin accompagnait le vernissage de l'exposition.

/e/ exposition/programmation / De la tendresse, an anti-critical show by Placement Produit
by Sosthène Baran / Taisiia Cherkasova / Clémence Mars / Pierre-Alain Poirier N°.004 posted
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« Là, un gros soleil qui sèche au bord
des fenêtres, puis la lune qui nous sourit.
Mais bien vite revenait,
les météos du corps et du cœur,
des haïkus impossibles, »
des contre-jours et des contre-temps,
des nuits albinos.
Des jours, caché au creux des
oreillers, des nuits, fixé au plafond à se réciter :
« ma joue contre la joue de l’oreiller »,
« ta joue contre la joue des jours »,
« joue contre joue »...
Je dessinerais comme on boirait un verre d’eau.
Une manière de devenir sage ?

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

plus tard,

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

Le blanc de l’ordinateur comme le ciel
d’aujourd’hui ou blanc comme Robert Walser
mort dans la neige.
Et il se mettra peut être un jour à neiger aussi
sur tous nos écrans d’ordinateur, de portable,
comme
sur ces vieilles TV cathodiques,
à neiger
sur le fond blanc un peu bleuté de l’écran
et tous nos mots inconsistants fondront
dans nos yeux
comme
la neige dans nos mains.
Et alors, on pourra écouter
la neige tomber,
le téléphone contre l’oreille.
La neige tomber contre nos oreilles, nos joues,
nos yeux.
A neiger enfin sur nos mots tendres comme...

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

Mais je te mens je n’ai jamais aimé
décembre.
Je m’aperçois que c’est à quelqu’un que
je m’adresse maintenant.
Toi.
Tu comprends, l’impression drôle
à s’endormir en tenant son téléphone.
Comme une veilleuse froide mais tendre
à la fois.
Un cœur froid que l’on tient, tout de même,
ou non, lointain et chaud, tout de même,
dans la main.
Écran contre coeur.

/e/ exposition/programmation / Pink Napkins
by Cyril Debon N°.005 posted
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Daisy, 34 ans, égérie et artistes aux multiples facettes, est longtemps restée une figure secrète aux yeux du grand public. Passé l'âge de la grenouillère, pourtant, la jeune modèle a passé sa vie sous les projecteurs. Après sa longue carrière dans la mode, ses projets ont pris un nouveau tournant avec ses nombreuses apparitions au cinéma et un premier album encensé par la critique. Jamais lassée de nouveautés, elle apparaît cet automne au casting d’un projet artistique extraordinairement mené par Cyril Debon. Nous la retrouvons pour lui poser quelques questions, plus entière et passionnée que jamais.

Daisy, chacune de ces nouvelles étapes a progressivement modifié votre image auprès de vos fans. Comment vivez-vous ce changement de perception ?

J'ai incarné pendant plusieurs années un personnage plutôt traditionnel coquet, fragile et un peu guindé qui commençait à me coller à la peau d’une manière désagréable. En grandissant, j'ai compris que j'avais la chance de pouvoir investir complètement mon métier avec ma véritable personnalité. Cela fait longtemps, en réalité, que je cherche à me dégager du premier moule que je m'étais forgé. Pink Napkins, le projet de Cyril, est arrivé à point nommé. Quand il a commencé à me parler d’une galerie de portraits, j'ai compris qu'il ne pensait ni à Velasquez, ni à Pierre et Gilles, mais encore quelque chose d'autre. Quelque chose de sensible et d'extravagant. Il m'a parlé de la vie urbaine comme si c'était une entité aux multiples figures, traversée par toutes sortes d'émotions, et il a proposé à tout le monde d'incarner ces émotions de la ville à notre manière. C'était exactement cela que je voulais être et exprimer : la joie émue de vivre dans ce monde surnaturel.

La critique a décelé dans Pink Napkins un lien avec la science-fiction des années 1990, mais beaucoup d'autres références peuvent être reconnues. Quelle est votre propre lecture ?

Je dirais que si certaines personnes y ont vu ces références, c'est par une sorte de coïncidence. Le projet en est venu là parce qu'il était guidé par une vision libre et baroque, le même qu'il faut pour concevoir un film de science-fiction, mais il n'y avait pas de volonté spéciale de s'apparenter à la SF dans la direction artistique. Pour moi, c'est surtout la touche de Cyril qui passe au premier plan : un art des lieux humides qui réconcilie l’esprit classique et facétieux des grottes artificielles, le gloss des nuits en ville et la sueur mêlée de paillettes d'un cabaret de seconde zone. La manière dont il a déconstruit tous ces registres – l'académique, le pop, le médiatique, le vernaculaire… – n'est pas seulement esthétique en réalité. C'est une ligne qui est aussi politique que je n'avais encore jamais assumée dans ma carrière. J'appréhendais un peu de franchir ce cap, mais maintenant je sens que je ne pourrais pas être plus à ma place qu'à cet endroit-là.

Cela ressemble à une véritable révolution dans votre rapport à la création. D'où viennent tous ces changements ?

It's nothing but love. J'étais extrêmement flattée que Cyril pense à moi pour cette nouvelle série. Quand je l'ai rencontré pour la première fois, j'ai eu l’impression que l'on se connaissait depuis toujours. J'ai tout de suite senti qu'on était connectés. Quand il m'a parlé de son projet, je ne me suis posé aucune question : j'ai compris que c'était un moment décisif pour lui, et je voulais en faire partie. Il devait revenir à la peinture après des années, en abordant le sujet infiniment complexe du corps des êtres humains. Spontanément, toute l'équipe s'est fédérée autour de cette cause. C'est vraiment difficile, ce que vit cette espèce actuellement, et nous tenions à montrer notre soutien en nous représentant dans des silhouettes d’hominidés. Ça tombait sous le sens pour tout le monde, Patrick Juvet, Virginie Despentes, Rick Owens, Cameron Diaz et les autres. Dans un revirement extrêmement émouvant, Cyril a fini par se mettre en scène dans son propre rôle, et le tableau a été intégré à la série.

Dans différentes prises de parole, vous avez laissé entendre que le thème des serviettes de table résonnait de manière particulière avec votre histoire personnelle.

J'ai toujours cultivé le regard que je portais sur les objets de l'ordinaire, mais cela ne fait que quelques années que je travaille réellement sur ces instruments dans mes différentes collaborations. Je crois que cela me vient d'une certaine nostalgie de la maison de mes grands-parents qui vivaient à l'époque dans le marais – les coquetiers, les coucous, les toiles cirées, les pieds de lampe vernissés… Dans le même registre, les serviettes de table concentrent elles aussi beaucoup d’émotions pour moi, à plus forte raison lorsqu’elles sont roses. Elles sont là pour accompagner les moments sacrés. Rose saumon à l’heure du café, rose poudré dans un dîner romantique, rose à motif floral pour un pique-nique à la campagne. J'aimerais que tout le monde puisse les percevoir comme un accessoire chic, qui appelle nécessairement la tendresse et l’amour à chaque étape de nos vies. Les numéros de téléphone devraient s'échanger sur des serviettes de table. Les banquettes de voiture devraient être faites en serviettes de table. Les voiles des mariées aussi pourraient être des serviettes de table.

Les projets très éclectiques que vous avez menés dernièrement sont-ils pour vous une façon de faire vos adieux au monde de la mode ?

Pas du tout ! Pour moi, tout cela n'a jamais cessé d’être la mode. L'ensemble du projet a d’ailleurs été chapeauté par l’agence Mannequin Madeleine. Qu'il s'agisse de vêtements ou de peintures, Cyril mise toujours sur un choix de matériaux précis. Il est sans cesse à la recherche de la meilleure matière pour habiller notre image à nous. Dans cette série par exemple, le dressing est informel, mais très raffiné. Cyril a laissé au placard les toiles de coton et l'apprêt pour laisser la place aux papiers coréen et japonais, délicatement tendus sur de petits panneaux de bois et couronnés par des cadres en faïence, la touche signature. C'est ce qui me fait dire qu'au fond, j'aime les robes comme j’aime la vie : sans couture, légèrement texturée, très près du corps.

/e/ exposition/programmation / Remains of August
by Max Fouchy N°.006 posted
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Science du sculpteur doublée de l’instinct du chercheur, la première exposition personnelle de Max Fouchy concentre les enjeux de sa pratique : les processus qu’ils soient chimiques, créatifs ou physiques sont autant les voix d’une méthode que d’un imaginaire. L’œuvre se déploie pareille à une expérience. Son résultat trouve sa pleine justesse entre l’expression d’un moment et l’anticipation d’un mouvement…Une idée s’arrête, un moment se fixe et de cet instantanée surgit alors un état du monde.

Après l’automne, avant l’été, Placement Produit, devient le dispensaire d’une sculpture en mutation. Avec "Remains of August", nous parcourons un paysage de ruine, dont les reliefs saillants tracent la carcasse du malade. Une muséographie tombale prévient l’extinction. Mais devant le patient, Max Fouchy, pratique une médecine d’alchimiste : combustion, incisions et transmutation commandent la métamorphose. Ici, l’artiste vient se placer au chevet de la matière pour la ramener à la vie des formes.

C’est la plastique de nos décors de vie que nous devinons là : dalles de plafond, bâtons de bougie, bouteilles et bonbonnes deviennent les organes toxiques de ce corps à l’agonie. Avec le polyuréthane en gravât, la paraffine en combustible, le polythène en circuit, s’égrènent les choses, s’engrainent les formes. Le solide se verse au fragile, structures molles, vertèbres blêmes, tout est friable, tout est forable… les orifices, les édifices. Inversion des valeurs, changement des usages, déroutage des fluides, chaque élément par ses motifs cultuels, sa grammaire intime, sa dynamique collective, participe à la fantasmagorie d’une scène tenue entre anatomie et antinomie.

De l’informe de Salvatore Dali, à l’exforme de Matthew Barney, Max Fouchy ressuscite le théâtre baroque des songes d’où s’élève entre les orants et le couchant la flamme des monstres nocturnes. Partant des échos du passé, il déconstruit et reconstruit sa propre chimère pour la sertir du concert de nos mythologies contemporaines. « Remains of August » nous entraine ainsi dans cette danse macabre par laquelle vivants, revenants, et entrants tentent de conjurer les calamités du temps présent, voire pire de celles à venir. Mais la brûlure des heures, et le malheur des jours, imposent non à l’artiste la gravité pieuse d’un Albert Durer mais l’humour profane des frères Disney. Pareils à ces derniers, Max Fouchy anime l’os et l’osselet tel de pantomimes moqueurs trompant l’apocalypse de leur rythmique grinçante. Faille-t-il les imaginer heureux ?

/e/ exposition/programmation / Eartheater
by Lucas Hadjam / Sarah Montet / Paul Paillet N°.007 posted
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Le banquet, présent aussi bien dans la mythologie greco-romaine (du Satyricon de Pétrone au Banquet de Socrate) que dans les tapisseries médiévales, déploie un imaginaire composé d’empereurs et de bouffons, de serviteurs et de musiciens, d’amitiés et de trahisons. Certaines scènes de la littérature universelle sont inscrites dans la mémoire collective. L’Odyssée d’Homère nous décrit par exemple le retour d’Ulysse à Ithaque qui transperce d’une flèche la gorge d’Antinoos (et des autres prétendants de Pénélope) lors d’un banquet somptueux.

« Avec la vaisselle, la table et le sang se brise l’harmonie apparente du banquet »1.

Le partage de la nourriture est prétexte au partage de la pensée, agissant par là-même comme un isomorphisme de la philosophie platonicienne : le repas d’apparat est un espace de vivre-ensemble et un lieu de diffusion des récits et mythologies. Lucas Hadjam tente ici une approche de la figure du barde, vecteur de transmission des traditions orales ou chansons de geste. Il en propose un portrait vidéo en clair-obscur empreint d’esthétique steampunk (about olive stones), geignant des questionnements métaphysiques. Plus loin, son luth (sweet round shape of an o) semble à l’abandon et dégage une énergie sombre, comme un instrument maudit symbolisant le poids de la fonction de l’artiste : avaler, digérer, transmettre.

Mais la mort à table est bien plus qu’un motif qui servirait à exprimer l’irruption du tragique dans la fête. Les oeuvres de Sarah Montet (Keeper of wounds, Nasty Fall set) traduisent l’ambiguïté du contenant fait contenu. Prenant la forme de récipients précieux, elles sont composées d'une multitude de matériaux et ornementées d’une faune et d’une flore peintes et sculptées. Ces éléments suggèrent des substances toxiques mais peuvent également évoquer les restes de victimes (Bovary, Cléopatre) ou d’instruments mythiques (flèche de l’hydre de Lerne, voile de Glauke). L’origine de l’objet se floute et sa nature équivoque hésite entre origine historique et mythologique. En puisant dans l’univers fantastique, la figure de l’empoisonneuse ou de la sorcière au filtre d’amour apparait en filigrane dans une bassine de clairvoyance.

L’homme à la barbe de feu et Fascination for fire de Paul Paillet prennent la forme de cuillères en céramique ornementées de motifs floraux. De format surdimensionné, elles sont inspirées des cuillères à café en plastique proposées dans les années 1970 par McDonald’s. Elles se rendirent célèbres par les dealers de cocaïne appréciant que son contenant corresponde précisément à 1 milligramme de produit. Cet ustensile qui aurait dû rester quasi invisible s’est transformé en cette célèbre « Cocaïne McSpoon », symbole d’un marché bien plus puissant que celui du hamburger, obligeant McDonald’s à les retirer de leurs restaurants. Le caractère immoral du banquet pantagruélique, où la faim insatiable lorgne vers les pulsions de mort, se fait miroir des dérives capitalistes contemporaines.

Pendant la période antique, les grecs avaient pour habitude de trainer un citoyen innocent hors de la ville et de le sacrifier pour combattre une calamité ou une présence hostile, et expier ainsi les maux de la Cité. De la même façon, les oeuvres de Lucas Hadjam, Sarah Montet et Paul Paillet agissent comme des pharmakon (du grec φαρμακός, « celui qu'on immole en expiation des fautes d'un autre »), à la fois cure et poison, et abiment les idoles et les grands récits.

Eartheater se dévoile alors, autour de la table et des mets, comme un espace agoratique accueillant la pluralité des discours contemporains.

1- Jean-Claude Mühlethaler, Banquets et manières de table au Moyen-Âge, Contextualisation et enjeux d'une séquence narrative au xiie siècle (de la Chanson de Guillaume à Erec et Enide)

/e/ exposition/programmation / Janus Multifrons
by Souci Du Drame (Camille Brêteau / Julien Carpentier / Sarah Netter) N°.008 posted
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6) The yawning gap separates the two faces, with authority and determination, the Goddess, does not exist. The becoming, constrained, hindered, sweating – our bodies carries no identicity. The Porter, Janus, yet keeps the entrance and the exit – the key and the staff. To recover, to escape the coldness of utility and sameness, the laurel must remain green all year long.


7) Here, everything is at least twice. From the inert bodies to the human body. De la chair du corps au corps selon la chair. Represented through – donc nous sommes inconstantexs. A relation of affinity magnified by the heritage of provocation. A community multiplied by collaboration – amplitude of meaning, thus ironic distance. A tasteless buffet. Unburdening through the buffoonery. Moving forward with violence and rage: waves of shame and what’s in the name? Philosophical problems conveyed by a cautious look. Descending, discouraged, does it matter?


8) Bifrons, if it were enough, could be a definition of matter and form. Everything stands in the relation between the two terms, difference, separation and unveiling. But Janus repudiates the concrete, excommunicates absolute matter. Here though, only becomings coexists, multiples and infinites. No great rings of the Same and the Other, neither demiurge nor opposites, simply pure presence – autopoiesis. For this reason, we pray to another Janus, a multi-fronted deity: beginning without end, guarding no door. Key without staff, autocratic openness, with no closure or opposite – lack.



9) Fake’o’logy, friendly conversations and joy. Splintered on the floor in the presence of the mirror of reality. Suffering expressed through the child’s lament, “I was only a child”. This experience of time that leaves the subject in tatters tells us that the fragmentary is an experience of the body, that it is the time of fatigue and waiting, the time of passivity. And you, what would you do? Le corps est un costume, which is getting ready for the theatre of the world and ends up sticking to the skin. The splendour of the outside communicated by the fear of the inside world. The concert on the open sea, the buoyancy between the ebb and the flow, then the neap tides. What? The exhaustion of the body and the dissemination of the word.

/e/ exposition/programmation / À faire le mort en se couchant sur le côté
by Eden Sarna N°.009 posted
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[FR]
C'est proche. Nous pouvons le sentir. Il n'y a pas de mots pour cela. C'est l'innommable. La mort. Catastrophe, désastre, calamité, cataclysme. Extinction. Tous ces noms semblent inappropriés pour décrire ce qui doit advenir. Même s'il est gris et radioactif, même si des créatures mutantes errent à sa surface, un monde apocalyptique reste toujours un monde. C'est un sol, c'est une fondation, c'est un sens. Un monde apocalyptique est toujours un monde parce qu'il implique la survie : non pas la survie des êtres, mais celle du sens - la capacité de créer et de nommer. Ce qui s'approche est d'une toute autre nature. C'est l'innommable, c'est le sans fondement, c'est le dernier événement. Comment pouvons-nous le nommer ? Que font ceux qui ont perdu la capacité de créer et de donner des noms ?

Ils réemploient.

L'avenir est l'amont qui transporte le changement, l'abondance infinie du possible, l'origine du nouveau. Il s'est asséché. Il ne nous est accessible que par le biais de son impossibilité parce qu'il est nié, annulé. Nous courons si vite vers la falaise, vers le bord du monde. Nous sommes suspendus dans l'air. Comme dans un cartoon, nos jambes bougent encore comme si cela pouvait changer quelque chose. Bientôt, nous n’avancerons plus mais nous chuterons. Qu'arrive-t-il à ceux qui ont dépassé l'horizon ? Que font ceux qui se sont aventurés malgré eux au-delà du point de fuite ?

Ils font demi-tour.

Le temps n'existe plus puisque l'avenir est annulé. Du moins pas tel que nous l'avons connu. Une différence de régime temporel est annoncée. On réutilise, on revient en arrière, on nie la perte. Le passé devient la seule source de réconfort et nous nous en nourrissons. Nous en sommes dépendants. Pour récolter son énergie, pour redéployer le temps lui-même, nous devenons des archeo-ingénieurs. Nous construisons les machines et les outils du passé. Des mausolées virtuels. Des algorithmes horribles. Comme des enfants accros au sucre, nous essayons de ralentir son passage en le gardant : nous gardons le passé présent. C'est un maintenant qui est une fois. C'est un présent reproduit, une boucle rétro-temporelle, c'est un hommage sans fin.

Mais quelque chose d'inattendu se produit alors.

Dans le passé, nous trouvons ce qui n'a jamais été présent. Du passé, s'ouvre ce qui n'est jamais vraiment passé. Dans les ruines, un crâne est découvert ; c'est le crâne de celui qui n'a jamais vécu - un voyageur du temps cybernétique. Du puits, nous tirons un nouvel élément. Il devient évident que le mythe, l'histoire, la technique, les outils que nous avons créés pour nous livrer à notre obsession produisent toujours un surplus. Il n'y a pas de découverte sans couverture, il n'y a pas de dévoilement sans voile. En eux, une nouvelle promesse pourrait être trouvée.


[ENG]
It is nearing. We can sense it. There are no words for it. It is the unnamable. Death. Catastrophe, disaster, calamity, cataclysm. Extinction. These are all unfitting names for what is to come. An apocalyptic world is still a world. Although it is grey and radioactive, although mutated creatures roam its ground – it is still a world. It is ground, it is foundation, it is sense. An apocalyptic world is still a world because it grounds some form of survival: not the survival of beings, but that of sense – the ability to create and give names. What nears is of a different nature completely. It is the unnamable, it is the groundless, it is the last event. How can we name that? What do those who have lost the ability to create and give words do?

They reuse.

The future. The upstream that ferries change, the endless bounty of the possible, the origin of the new. It has dried up. It is accessible to us only by way of its impossibility. It is because it is negated, cancelled. We have run so fast towards the cliff, towards the edge of the world. We are suspended in the air. Like a cartoon, our legs still move as if it matters. Soon, forward will be replaced with downwards. What happens to those who have crossed the horizon? What do those who have unwillingly ventured beyond the vanishing point do?

They turn back.

Since the future is cancelled, there is no time. At least not as we have known it to be. A difference in the temporal regime is announced. We reuse, we turn back, we deny the loss. The past becomes the only source of solace. We feed on it. We are addicted to it. To harvest its energy, to redeploy time itself, we train ourselves in becoming archa-engineers. We construct machines and tools of the past. Virtual mausoleums. Ghastly algorithms. Like sugar-crazed children, we try to slow down its passing by hording it: we keep the past present. It is a now that is a once. It is a reproduced present, a turning back from the future, it is an endless homage.

But then something unexpected happens.

In the past we find that which was never present. From the past, that which has never passed opens up. From the ruins a skull is uncovered, it is the skull of him who has never lived – a cybernetic time-traveler. From the well we pull up a new element. It becomes clear that myth, history, technique, the tools that we have crafted to indulge in our obsession, always produce a surplus. There is no uncovering without a cover, there is no unveiling without a veil. In them a new promise might be found.

/e/ exposition/A Showcase Show by Placement Produit / Tomb Raider
by Jeanne Briand / Elinor Haynes N°.0010 posted
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Jeanne Briand et Elinor Haynes travaillent dans un espace liminal où la matière se fluidifie et acquiert un caractère ambivalent. La pratique pluridisciplinaire des deux plasticiennes est ancrée dans une experimentation technique. Créant des formes neuves avec des matériaux traditionnels, la confrontation de leurs univers invite au fantastique. On y retrouve également les traces d’un processus qui ne tend non pas vers la perfection mais vers le trouble et l’informe, créant une vitrine qui séduit autant qu’elle perturbe.

En tant qu’interface transparente qui relie l'intérieur à l’extérieur, la vitrine d’exposition ne laisse au public que le choix d'interagir avec les œuvres de manière voyeuriste, à distance déterminée. Les œuvres sont arrangées comme les biens commerciaux d’une vitrine marchande, empêchant toute forme d’interaction physique, barrières invisibles au feeling. La vitrine agit comme un dispositif de visionnage commercial à travers lequel l’objet corporel s’oppose à sa représentation, puis à sa valeur.

Visible depuis la rue, un ensemble de sculptures anthropomorphes d’Elinor Haynes occupe le sol de la galerie. Vides et désincarnées, ces carapaces fragiles se replient sur elles-mêmes telles des corps laissés à sécher, résistant à l’acharnement du temps. Exhumées et maquillées, elles cohabitent dans cet espace avec diverses pièces murales de Jeanne Briand: formes ovoïdes en verre étranges et ambiguës ; à la fois objets de design, pierres précieuses et trésors délicats, figés. 
 
A mesure que la lumière du jour s’esquive, une transition étrange s’opère et l’on se sent glisser entre deux mondes. Les verres soufflés semblent flotter dans la pénombre, se réinventant en organismes phosphorescents. Leur lueur opaque et mystérieuse - presque féerique - rappelle les créatures marines, plantes aquatiques et bactéries bio-luminescentes que l’on retrouve dans les profondeurs ténébreuses de l’océan ou même à l’origine des temps. 

L’aspect du corpus est occulte et lugubre, et il devient le décorum d’une chambre secrète d'embaumement pharaonique , lieu transitionnel habité momentanément par des esprits et autres êtres mystiques. On ressent la présence des mains qui ont façonné laborieusement ces formes et celle du souffle qui donnent forme à des objets de verre d’une précision quasi scientifique. Dans cet espace intemporel, Elinor Haynes et Jeanne Briand sont comme deux croques-morts, exécutant des rites funéraires en préparant méticuleusement les corps et la confection d’amulettes précieuses qui s’inscrivent dans une autre dimension, entre l’inerte et l’animé.

/e/ exposition/programmation / Eupepsia
by Antonin Giroud-Delorme N°.0011 posted
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Antonin Giroud-Delorme revels in optics, yet shuns the superficial. He is a vessel, offering combustions of invented icons, exquisite emblems. One is challenged with new languages via frustrated aggregations. The Natural translates the synthetic, and vice versa. In “Eupepsia” Giroud-Delorme’s transmutations proliferate throughout the space, inviting poesis and imaginal play. His constructions are atemporal, suspended in perturbations, riddled with obfuscations. What is moving here is the utter lack of movement. The viewer lies in wait, per the artist’s instructions. One plants his feet squarely and denies inertia, leaving the body to do work while mired in liminality.

Perhaps less about direct ingression, more about expansiveness.
A new baroque, rhizomatizing experience, connection, aesthetic, ethics.
Shattering a “harmonious, homogenous, and thoroughly knowable” (1) Nature in favor of infinitudes.
Dreams of discovery and innovation are not resigned to modernist thought, there
is a fissure in the cynic’s logic.
Screen, image, interface, and the results of iconoclasm.
Behold Giroud-Delorme’s open cosmologies.

Giroud-Delorme’s work gestures towards processes of amalgamation and a series of disturbances. With unexpected assemblages and spatial configurations, the sculptures seep and expand into broad horizons. The artist revels in new topologies via interfaces between unlike materials such as Burgundy red wine and cornstarch, mechanical clock fragments and natural hemp. The results are beautiful, if not a little grotesque- with distinct parts serving as means to ends. Here the viewer is left to his own devices, brushing up against themes of domesticity, spatial mapping, bodily mutations, politics, and intimacy.

Through careful deconstruction and recombination, he is reaching towards some essential spirit.

(1) Edouard Glissant, Poetics of Relation

/e/ exposition/programmation / Confortable l'évidence, des choses qui existent
by Paola Quilici N°.0012 posted
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sur fond jaune pour dire
citron
ou juste la forme
pour dire citron
jaune suffit à dire citron
hhhh l’évidence confor-
table
d’un citron



Il est trois coups et un quart, quand l’ombre du col du détective fait impression.
IL, étroit cou, est UN, car mot caché compte double.

Les œuvres de Paola Quilici forment des intrigues comme autant de chaînons manquants. Au bout du compte, la somme et son reste – confortable évidence du signe posé. Les recherches de Paola Quilici nous mettent en jeu : face à l’Autre mural, savez-vous parler anglé?

Photogramme, impression 3D, collage, peinture en plastiline, photographie argentique, céramique, teinture, télékinésie… la variété des techniques utilisées dans ses œuvres rencontre le pot pourri des matériaux avec lesquels elle compose ses scènes. Mégots et boîtes de lentilles de contact trainent au milieu de cendres et d’agrumes plus ou moins pourris. Mêlés à du sable jaune, ils composent le dancefloor du slow des deux limaces. Les cacahuètes jumelles, elles, baignent dans l’huile d’olive.
Entre empreinte et indice, le doigt de Paola Quilici touche et désigne ce qui fait relation entre ses matériaux. Dans son vocabulaire, le couteau est aussi ce qui forme la flèche qui pointe l’angle. La anse de la tasse cassée est surtout le signe saisissant le I et le U pour dire « I see you ». La langue de Paola Quilici a quelque chose de la Langue des Oiseaux appliquée aux fonds de réfrigérateurs et de poches. C’est par le jeu de composition qu’elle retourne le sens, en différenciant selon divers procédés, les plans auxquels ça signifie.Après tout, le drame des citrons, du papillon et des cuillères ne surgit que sur le fond des traces des plis du tissus sombre. Confortables deviennent les choses évidemment exposées.

/e/ exposition/programmation / Sleep No More
by Camille Brée / Kim Farkas / Laura Gozlan / Christophe Lemaitre / Pierre Paulin N°.0013 posted
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Sleep No More est un titre emprunté, proposé par le réalisateur Don Siegel mais abandonné pour des raisons commerciales par les producteurs du film de science-fiction intitulé Invasion of the Body Snatchers (1956). Ce film est une méta-matière (1) permettant d’extraire et d’articuler différentes notions incarnées dans les œuvres, leur système de production ou encore dans les narrations sous-jacentes qui infusent l’espace d’exposition.

Sleep No More et la paranoïa s’installe.

N’avons-nous pas déjà basculé dans un revers du monde, où une nouvelle temporalité semble s’être engouffrée ? Un espace à double fond, où le lisse et la norme sont subvertis, où les fonctions s’annulent dans les formes, séduites par la fiction dont s’imprègne le réel.

Sleep
Sleep More
Sleep No More
Double Bind.

Sleep No More invoque le sommeil sous le prisme d’une injonction paradoxale et revêt ici une logique de persistance, à rebours du soin qu’il procure. Menace, conseil ou berceuse. Il s’agit d’embrasser cette ambivalence dont l’inertie réparatrice semble avoir échoué. Ne dormez pas, ne dormez plus. S’il était le dernier rempart contre la machine capitaliste, celle-ci l’a absorbé en un temps d’exploitation de la pensée et de l’inconscient. Capitaliser ce temps du corps à l’arrêt reviendrait à lui imposer de « s’aligner sur l’existence des choses inanimées, inertes ou intemporelles » (2), dissimulant toutes empreintes émotionnelles, tout en inhalant, inlassablement, les vapeurs du monde éveillé. D’autres phases du sommeil se rapprocheraient plus de la résistance que de l’adaptation. Dormir plus devient une forme de lutte passive. Dormir moins revient à se réapproprier un temps dérobé.

La nuit suscite une autre attitude, celle de la veille. Un partage du sommeil fonctionnant comme un contrat social tacite et politique. Des corps invisibilisés restent éveillés afin que les autres soient protégés, se reposent ou s’évadent. Quant à l’œil mécanique, installé dans le corps institutionnel, ce dernier est programmé pour contrôler. Un état de veille nous incite pourtant à garder l’œil ouvert pour résister à un assoupissement de masse face à des habitudes normatives qui infiltrent nos esprits de manière diffuse. Un sleep-mode latent.

Mais qui dort encore, qui veille
et qui s’anime ?

(ongoing night lights series) est une série de veilleuses autonomes et discrètes que Camille Brée et ses amis produisent, sollicitant une attention particulière. Si certaines apparaissent comme des excroissances dégoulinantes qui manquent de s’échapper, d’autres matérialisent une présence affective et rassurante dans les interstices qui les accueillent. Ensemble, elles produisent une œuvre ouverte, contrebalançant la notion d’auteur et dont la fonction n’est plus uniquement d’éclairer mais de ponctuer l’espace de micro-narrations collectives et amicales.

Les sculptures de Kim Farkas sont plus silencieuses et solitaires. Un assemblage d’objets standardisés semble troublé par une enveloppe colorée qui recouvre ces coquilles vides. Cette matière transparente à la fois visqueuse, brillante, presque sensuelle, masque les faux-semblants et suggère des fictions indiscernables. L’aspect organique de cette étrange peau se voit remplacé par une matière à la lueur industrielle dans l’œuvre 17-12 (L’eau était noire plutôt que perse). Si ce vocabulaire pictural nous permettait d’évoquer la physicalité de la peinture, une présence sculpturale induit une strate de confusion, opacifiant l’origine même de la fabrication de cette œuvre.

Cette incertitude formelle se retrouve dans les sculptures de Christophe Lemaitre et Kim Farkas, qui regorgent, malgré le caractère hermétique de leur ossature technologique, d’une valeur sensible et poétique. Horloges éveillées, elles observent, analysent et anticipent le basculement des mouvements diurnes de la Terre. Les nuances d’informations lumineuses s’introduisent dans ces sculptures, connectées à leur environnement d’accueil. Cette même matière naturelle nourrit une autre œuvre de Christophe Lemaitre, travailleuse autonome qui la nuit part glaner une iconographie extraite d’un réseau de fenêtres virtuelles connectées sur le monde, filmant en continu l’évolution de paysages naturels. Une forme d’intelligence, comme une extension de l’œil de l’artiste, camouflé dans une enveloppe extrudée et désincarnée.

Si le corps semble disparaître, la main de Laura Gozlan le réinjecte et travaille la matière de l’épiderme comme texture non figurée ou, peut-être, déjà défigurée. Cette manifestation viscérale dans l’œuvre Gorged in colors of hurt devient l’enveloppe charnelle d’un écran qui se substitue à l’âme, pour hanter la sculpture d’une parole reconnaissant un manque, pourtant imperceptible. Dans les looks de Pierre Paulin, reproductions monochromes de sa garde robe, le texte s’infiltre dans les mailles du tissu produisant des ensembles de vêtements, habités non plus de corps mais de paroles écrites. Œuvres absentes. Nos voix incarnent leur présence et habillent l’espace de ces textes, cachés dans le revers d’une manche ou de la page d’un livre. Dimanche 21 mars 2021, nous serons l’écho d’une voix et la brume de nos souffles sera imprégnée des mots de « L’aube dans la nuit » (3).

Sleep No More, exposition insomniaque, serait à envisager comme un appareil social et sensible, permettant de transgresser un état du monde dans lequel les esprits semblent anesthésiés ou amnésiques, les corps dénués de leurs émotions, subtilisés par la vacuité technologique. Les œuvres donnent de manière intrinsèque corps à des présences nébuleuses, dotées d’affects, de gestes évocateurs, de doutes inhérents. Cette profondeur qu’elles matérialisent permet de retrouver une chaleur, une substance poétique à saisir, restée hors champ ou dans le repli des formes.


(1) À la manière d’une ambiance, un film est venu se répandre à tous les niveaux de l’exposition, à chaque couche de sa conception. Invasion of the Body Snatchers (Don Siegel,1956) est devenu la méta-matière de cette exposition. Les personnages, habitant la ville fictionnelle de Santa Mira en Californie, sont dupliqués la nuit pour se réveiller à l’identique, les souvenirs intacts mais les émotions et les sentiments absents, la lueur du regard évaporée. Pour les protagonistes, il s’agit de rester éveillé, résister à la tentation du conformisme. Le monstre, s’il est extraterrestre, a le visage humain, celui de l’autre que l’on ne reconnaît plus. La paranoïa se joue sur des plans serrés et devient celle d’un quotidien où la chaleur humaine s’est éclipsée. La dissemblance est possible par le doute, l’intuition, la névrose. Une histoire de double qui connaît plusieurs remakes : en 1978 par Philip Kaufman et en 1993 par Abel Ferrara. Source inépuisable, la duplication du sujet se veut infinie.

(2) Jonathan Crary, 24/7 Le Capitalisme à l’assaut du sommeil, éditions La Découverte, 2016, p.19

(3) Pierre Paulin, L’aube dans la nuit, in “L”, 2019

/e/ exposition/A Showcase Show by Placement Produit / Lockdown Story
by Jules Brière / Cyril Debon / Max Fouchy / Eliott Paquet N°.0014 posted
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Un fracas brouillon et aiguë résonne. Il est celui de vitrines éclatées, de boules de Noël maladroitement frôlées, de millions de solitudes confinées, du changement des saisons.
En investissant la vitrine de l'espace, Placement Produit présente avec les Showcase Shows un cycle d'expositions uniquement visibles depuis l'espace publique. Les expositions questionnent alors les notions d'intérieur/extérieur, de barrière sociale, de consumérisme et se donnent à voir de tous, dans l'intimité de la rue de la Commune de Paris à Aubervilliers.

/e/ exposition/programmation / My bad
by Lucas Semeraro N°.0015 posted
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Quoi de plus rassurant à priori que les quatre murs de sa chambre d'ado?
Cocon que la vie moderne a spécialement aménagé pour l'enfant le temps qu'il se mue en adulte. Espace-rituel où l'on exerce ses goûts et où l'on affine sa personnalité.

Mais dans le travail de Lucas Semeraro l'adolescence croît sous le spectre hostile d'une vie d'adulte qui peine à s'émanciper et à se mouvoir dans un monde de crise. L'artiste tente alors de rétablir un monde de possibles dans sa chambre, d'arranger ses fétiches, mais, sans l'ombre d'un doute, sous le joug inéluctable d'un État administrateur de toutes vies et de tous futurs.

Rêver est un sport de combat et celui de l'enfant peine à subsister au sein d'un système où l'absurde avoisine les lois et l'économie. Le rêve ne fait alors place qu’à des objets qui ne se font que l'écho déchu de ce qu'ils auraient pu être. Une figurine, tirée d'un anime jamais sorti des limbes, trône sur une barre estampillée comme le cadre d'une télévision. Des LEDs orphelines de leur boîtier écranique signalent un appareil en veille inexistant, tandis que des boîtes inanimées ne dégagent qu'une ritournelle animale. Le même cri de cigales qui peuple la bande originale de nombreux anime et ici, qui se percute contre des extensions architecturales semblable à des mains courantes ou à un ersatz de manivelle figée en attente d’un corps providentiel.

Alors que faire ? Juste accueillir My Bad, une malicieuse déception fictionnelle où des fragments de la vie contemporaine se chuchotent l'histoire d'un monde désossé de ses rêves.

/e/ exposition/programmation / The young man eatin' toaster tricks
by Raphaël Emine N°.0016 posted
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Au milieu d’un ciel bleu, transpercé de rayons lumineux, se dresse une série de tours en forme d’épingles dont les façades sont recouvertes d’un duvet végétal. Au pied des architectures, un feuillage touffu, mêlant le pourpre et le vert, s’étend irrépressiblement jusqu’à former un contrefort de plantes. Le monde naturel, presque omniprésent, semble envahir l’environnement urbain, embrasser les frontons et les toits, jusqu’à les ensevelir totalement.
Cette description succincte se réfère à la couverture d’un livre de science-fiction de Robert A. Heinlein mais aurait pu illustrer d’autres récits tant ce dessin offre un bon exemple du concept de “paysage du futur” qu’affectionne la littérature SF. C’est par cette idée de paysage insolite, de monde alternatif, que l’on peut aborder le travail de Raphaël Emine.
On y retrouve tout d’abord un attachement pour la superposition de formes, de couleurs, de lignes, qui jouent sur un déséquilibre. Ses sculptures, principalement en céramique et en verre, multiplient les configurations par l’ajout de couches successives de matière mais conservent systématiquement l’idée du réceptacle, qu’il soit clos comme avec les Turbines, ou ouvert avec la présence des coupoles, sortes de bassins où pullulent des matières organiques (cyanobactéries, lentilles d’eau).
Dans sa série des Bénitiers, les bactéries insérées dans les pièces altèrent la chromie de l’eau, les énergies s’y agrègent et, avec la combinaison de la terre, produisent des effets sur la matière même.
On est loin d’un no’mans land sablonneux et minéral, mais plutôt à la lisière d’un paysage singulier, couleur chlorophylle ou spiruline bleue, dont les surfaces arrondies sont encadrées par des supports rigides et géométriques afin de les exposer à la manière d’écosystèmes distincts.
L’artiste s’attache à donner corps à ces micro-mondes qui, par l’ajout de matière organique, deviennent le milieu naturel, l’Umwelt, de ces bactéries. Il y a une volonté de mettre à jour l’entrelacement constant entre le milieu, l’habitat que seraient ces sculptures, et les formes de vies qui les habitent. Raphaël Emine intègre ces mouvements en flux, ces variations causées par la porosité des matières, sans anticipation de ce qui pourrait émerger gardant à l’esprit que le monde matériel ne se conforme pas passivement aux modèles humains.
Le titre de cette exposition, The young man eatin’ toaster tricks, offre une possible conclusion. Peut-être les amateurs de Ghostbuster auront reconnu la référence faite au film. Il s’agit d’une scène, extraite du second volet des aventures de Bill Murray et de ses amis chasseurs de fantômes, dans laquelle l’acteur se retrouve la main prise au piège d’un toaster dont un spectre aurait pris possession. La plaisanterie est dévoilée après quelques secondes de tensions où l’on voit le comédien se débattre avec une matière rose fluo qui n’est autre qu’un liquide inoffensif. En filigrane, se pose une attention portée à la matière, entre celle qui existe et celle qui pourrait exister, laissant planer une certaine ambiguïté entre la “surface” et le “réel”.

/e/ exposition/programmation / Rose Button
by Romain Vicari N°.0017 posted
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Timothée Chaillou : Romain, Placement Produit est un artist-run space composé d’un appartement, d’un atelier d’artiste et d’un espace d’exposition. Ce lieu souhaite « questionner l’espace domestique dans l’espace urbain. » Qu’en est-il de ce questionnement par rapport aux oeuvres que tu présentes ?
Romain Vicari : Situé à Aubervilliers, Placement Produit est à mon avis l’un des exemples développés par des jeunes artistes dans ce contexte de run-space. Les œuvres produites sont en relation avec “l’intimité territoriale” du lieu, elles entrelacent le “tiers urbain” aux formes domestiques.

TC : Tes « œuvres créent une friction avec le lieu », et tu aimes « l’idée qu’elles puissent déranger et perturber les fonctions de l’espace. » Quel dialogue ont tes oeuvres avec le « génie du lieu » ?
RV: Mes œuvres introduisent une présence inhabituelle dans l’espace, hors du regard du spectateur, opérant entre construction et déconstruction. Elles peuvent osciller dans une accroche présente ou camouflée dans l’espace architecturé. Leurs placements varie entre ces deux états.

TC : Ton « inspiration pour les formes végétales et orales que l’on retrouve dans l’art nouveau, invitant au songe » a rendu, pour le lieu, évidente ton invitation.
RV : Je vois Placement Produit comme un espace d’exposition déstructuré. Bien qu’étant un white cube, le lieu possède pourtant plusieurs péripéties.
Mon inspiration à l’architecture rend cette invitation évidente. Pour cette exposition, je tente de m’inspirer de l’oeuvre du paysagiste et urbaniste Roberto Burle Marx ;
en opposant création “matérielle” et “naturelle”. Le jardinier paysagiste contrairement à l’artiste, maître de sa matière, n’ajoute pas d’objet mais une œuvre à part entière aux données de l’univers. Il transforme en œuvre une parcelle de la nature. Pour Roberto Burle Marx, l’art des jardins appelle à lui tous les autres arts. Tous les médias y sont mélangés ainsi qu’une réflexion éco-responsable avant-gardiste.

TC : Tu dis : « Je ne recherche pas la forme produite, je suis dans une approche plus « pauvre », qui repose avant tout sur l’expérimentation. »
RV : Mon atelier est un garage, la production des pièces se fait dans un contexte de “garage band”. Je vois la réalisation des pièces comme un re et contemporain de notre société, je pense que nous somme sous une forme d’Art Povera 2.0 Le croquis et la forme finale sont très éloigné, l’idée initiale est en mutation constante pendant la production, les matériaux sont trouvés dans la rue, et le geste est plus radical. Les oeuvres s’éloignent d’une production industrielle, type design. Les objets sont uniques et imparfaits.

TC : Pour toi « la couleur participe d’un parasitage de l’espace en même temps qu’elle vient entrelacer les différentes éléments d’une installation, construire un ensemble. » Dans ton exposition les teintes pâles et le blanc dominent. Quel « parasitage » est ici opéré?
RV : La couleur encore présente, sous un violet foncé, opère dans l’entourage des matières telles les céramiques ou le riz. La matière prend le rôle d’un parasite contrôlé, ou presque.
Le riz, renvoie aux œufs de mouches, aux épidémies ; à une présence hybride, immobile qui questionne le vivant et vient le contaminer.

TC : Dans ton exposition nous rencontrons : Crislen pièce murale constitué de tige de metal noir et de céramiques blanches en forme de eurs et coquillages ; Les Mouses combinaison d’un bas relief et d’une structure au sol faite d’acier, de riz et de plâtre ; Cyclope suspension d’entrelacs d’acier et de céramique ; ainsi qu’un ensemble de céramiques murales comme des amoncèlements de griffes et de bouts de chairs. Peux tu nous parler de la « restriction » des matériaux utilisés (metal, céramique, riz...) qui se répondent de pièces en pièces ?

RV : Pour cette exposition, j’ai voulu présenter un ensemble de pièces sobres, contrairement à mes dernières expositions. Elles communiquent entre elles par la couleurs et les matières qui sont limitées, et par leur placement dans l’espace. J’ai procédé à une réduction de matériaux que je trouvais polluants dans ma pratique.

TC : Tu dis : « J’ai compris que cet intérêt pour les lignes en métal avec lesquelles je recomposais des motifs, trouvait sa source dans des lettrages recouvrant les façades d’immeubles de São Paulo, les pixadores. » Quelle dynamique est en action dans cette pièce murale, Crislen ?
RV : Elle se présente avec des griffes, agressive, mais au cœur arrondi, frontal comme un “ blase ”. Une dynamique plus animalière, aux formes inspirées des portes d’ascenseurs de l’art nouveau. Librement inspiré par la nature, elle touche principalement l’architecture et les objets de décoration d’intérieur. Cette pièce et les éléments végétaux semblent ne faire qu’un, traduisant la devise de Guimard : l’unité du décor.

TC : Il y a quelque chose de l’ordre de la dévoration, de l’engloutissement, d’une sidération des chairs dans ces bouts de membres. Pourrais tu revenir sur le lien souvent, donné comme exemple, qu’il y a entre ton travail et une pensée anthropophage ?
RV : Les pièces présentées sont d’un caractère anthropophage, mais aussi entomophage. Les Grecs et les Romains mangeaient des insectes, tels que les abeilles et les cigales. Face aux crises écologiques et à la crise alimentaire sur Terre aujourd’hui, nous voyons de plus en plus d’initiatives visant à réintroduire ces pratiques dans les composants industriels alimentaires occidentales, comme la fabrication de biscuit aux fibres d’insectes.

TC : Penses-tu, comme Simon Hantaï, que l’« on peint à l’aveugle, à tout hasard, jetant le dé » ?
RV : Comme Simon Hantai ou Helio Oiticica également, le hasard prend une part dans la réalisation des œuvres. Expérimenter l’expérimental me permet d’avancer dans mes recherches plastiques.

/e/ exposition/programmation / Studio Cycle: Les échos du vide
by Donatien Aubert / Tiffanie Pichon N°.0018 posted
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Pour le cycle d’exposition Studio Cycle, chacun des trois artistes a été invité, sur un mode relationnel, à inviter un artiste proche à exposer avec lui des travaux pour composer une exposition sur l’altérité.

Ce jour-là, des lilas bleus engorgent la terrasse.
Il y a un cratère et une plaine de poussière noire.
Il y a une falaise aux graminées grises et salées qui vacillent au vent.
Une étoile. Un feu.
Les immortelles des dunes balancent leurs pompons jaunes vifs.
Une chaise vide dans la véranda. Éphéméride.
Dans le calendrier du ciel étoilé se lit l’histoire terrible et sourde de catastrophes stellaires innombrables : nébuleuses, supernovae, trous noirs. Les vivants contemplent le cosmos, curieux et inquiets des récits que le cours de leurs existences lui impulsent.
La vie parle à elle-même.
Dans ce grand tumulte, l’être humain, confronté à sa propre obsolescence, lance des projectiles vers le cosmos et crée des dispositifs robotiques pour accompagner sa solitude.
Il y a des plantes aux feuilles immobiles et des faux soleils qui les nourrissent. Il y a ce bleu latent qui couve. Des échos qui hésitent. Le drap rose otte dans un arbre éternellement. Éveil d’une constellation. Reflets incertains de vie à travers la vitre.
Et à nous que nous manque-t-il ?



Programmation incluant la performance « Les Grappes » d’Antoine Vallé et Théo Hillion

/e/ exposition/programmation / Studio Cycle: Wagon-lits
by Raphaël Sitbon / Eliott Paquet N°.0019 posted
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Pour le cycle d’exposition Studio Cycle, chacun des trois artistes a été invité, sur un mode relationnel, à inviter un artiste proche à exposer avec lui des travaux pour composer une exposition sur l’altérité.

Vous avez mis le pied gauche sur la rainure... vous sentez ce déséquilibre se répercuter tout le long de votre colonne vertébrale jusqu’à votre main sur la poignée. Vous êtes maintenant dans l’entre-deux.

Il paraît que les initiés reconnaissent les boîtes d’antidépresseurs des boîtes de somnifères. Les nuances de bleu traduisent des humeurs différentes mais vous ne sauriez pas les distinguer et ne sauriez non plus dire ce que vous prenez pour lutter contre le décalage horaire. Vous sentez un regard sur vous, la voisine et son thermos de café noir, à moins que ce ne soit l’oreille du fauteuil. Vous ne parvenez pas à vous sentir bien dans le fauteuil, pris dans un courant d’air mais sans pouvoir vous calez confortablement contre le dossier. Une voix vous parvient, un lecteur en face qui murmure les gros titres catastrophistes de la presse tandis qu’une autre lectrice plus jeune se réfugie en silence dans un roman d’amour au titre plein de chaleur. Dans les interstices, vous développez votre regard et vous plaisez à imaginer ce qui viendrait ensuite.

Vous n’avez aucune idée du temps qu’il reste et ce n’est que le départ.

/e/ exposition/programmation / Studio Cycle: Abandonnés dans la forêt
by India Leire / Florian Mermin N°.0020 posted
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Pour le cycle d’exposition Studio Cycle, chacun des trois artistes a été invité, sur un mode relationnel, à inviter un artiste proche à exposer avec lui des travaux pour composer une exposition sur l’altérité.

Dans les contes de fées qui ont formé notre inconscient collectif, la forêt évoque l’inconnu, la peur. Il s’y passe des événements étranges et inquiétants, qui représentent une menace, une épreuve pour les visiteurs qui osent s’y aventurer.
On peut choisir d’y répondre par un évitement, ou par un apprivoisement.
Car la forêt est aussi un rite de passage et un lieu de métamorphose. C’est cette même forêt qui permet l’évolution et le développement des voyageurs.
Cette exposition crée ici une invitation à entrer dans cette idée mythique de forêt, et à s’y égarer lors d’un parcours initiatique invoquant la danse, la nature et la domestication.
Les travaux d’India Leire et Florian Mermin ont cette intention commune d’évoquer la nature et d’interpeller l’imaginaire du spectateur.
Les sculptures d’India Leire forment des structures organiques hypnotisantes, oscillant entre le monde animal et le monde végétal, entre le vivant et le minéral. Le spectateur est perdu dans sa perception habituelle des formes, des espèces et se crée un nouveau référentiel pour en imaginer la signification.
Florian Mermin travaille autour des objets usuels et des archétypes de l’inconscient collectif, en détournant les usages et les aspects, dans un univers qui lui est bien particulier. Dans un monde toujours ancré dans la réalité mais basculant dans le fantastique, il invite le spectateur à questionner le merveilleux autour de lui.
Dans un ensemble de pièces et une installation qui questionnent les limites du réel, de l’espace et de la nature, India Leire et Florian Mermin créent un monde alternatif unissant leur deux univers, invitant le spectateur à faire abstraction de la réalité pour se perdre dans leur forêt.
Que restera-t-il ? Avec quoi repartira-t-on ?
C’est au spectateur de choisir ce qu’il décidera d’y prendre, ou d’y abandonner.

/e/ exposition/programmation / Concorde Club
by Mit Borras N°.0021 posted
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I'm the drone, I am the hand that drives the drone, I am the finger, the controller, the pressure, the command, I am the connection between the hand and the drone, I am the distance to the drone, I am the distance with other drones, I'm the other drone, I'm all drones, I'm drone swarm, I am the pools that the drone sees, I am the plains that the drone sees, the shopping centers that the drone sees, the motorways, the power plants, the gyms that the drone sees, the mountains that the drone sees, the peaks, the valleys, the meanders, the fjords,, I am the lakes that the drone sees, I am the river forest that the drone sees, I am the remains of other, civilizations that the drone sees, the caves that the drone sees, the cenotes that the drone sees, the deserts that the drone sees, I am the snakes that crawl in the deserts that the drone sees, I am the trail left by the snake, I am the slime, I am the prey that the snake eats and the drone sees, I am the fields that the drone sees
I am the chemicals that irrigate the fields ,I'm the organophosphate, I am the organochlorines, aldrin, endrin, lindane, cypermethrin, pentachlorophenol, benomyl, Linuron, brodifacoum, parathion methyl, I am the mountain systems that the drone sees, I am the volcanoes that the drone sees, I am the glaciers that the drone sees, I am the tourists who photograph the glaciers, the scientists who photograph the glaciers, I am the sailors who photograph the glaciers, I am the photos, the folders, the uploads to the cloud of the material of the glaciers, I am the likes of the glaciers, I am the commitment with the glaciers, I am the glacier cracks, I am the air that fills the space of all the glacial cracks, I am the children, I am the faithful, I'm the runners running far below the drone, runners running in the field, runners running in the city, runners running between industrial estate, runners running among the ruins of Varanasi, runners running among the ruins of Chactún, runners running between the ruins of Teotihuacan and Delphi, Runners running from one business park to another business park, I am what runners think, I am their routes, I am the spirit of the runner, I am the stimulus of the runner, I am the sperm of the runner, I am the goals of all runners, I'm the stride, I am the pronation movement of the runner, I am the testicles and the pussy of every runner, runner's vagina, runner's teeth, runner’s wifi, runners Ipad, I am all climbers climbing the mountains below the drones, I am the precision material of the climbers who climb the mountains at this moment, I am the imaginary points that unite all the climbers who climb the mountains at this moment, I am the line that results from joining those points, I am the trajectories, I am the distances of the climbers to the top, I am the distance to the ground, I am the distance between the climbers and the drones that fly right now above at this exact moment, I am the vassals, the adapted, the nobles, I am the ergonomics of the houses, the ergonomics of clinics, the ergonomics of the drone housings, I am the ergonomics of all objects, I'm the orthosis, the prosthesis, I am the material of the prosthesis, I'm polyethylene, cobalt, carbon fiber, I'm hydraulic, pneumatic, I am all machines, I am the soft hand that drives the machine, I am all the hands that drive all the machines, I am the mechanical advantage, I am the pressure, I am the obsolescence of the machines, I am the potential of the machines, the germ of the machines, the inception of the machines, I'm the apps, I am augmented reality, I am the binary language, Esperanto, the dead languages, I am maternal love, I am the fluctuations in the stock market, I'm the cryptocurrencies, I'm the bitcoin investors, I am the sweat of the investors, I am the smell of investors, the excitement of investors, I am dermatitis, I am the disease, I am the fraternity, I am the bilateral agreements, I'm the vaccines, I am the plastic wrap of vaccines, I'm the machines that synthesize vaccines, I am synthetic hair, I am implanted hair, I am the geometric patterns on which the organic hair is implanted, I am the software that designs the protocol for hair transplants, I'm the transplanted heads, I am the heads of the brokers, I am the heads of the mystics, I am the heads of the siamese, the ideas of the siamese, the parts where the heads of the siamese are united, I am the cypresses, the birches, the walnuts, the ferns, the gladioli, the cedars, the asclepias, hypoestes, honeysuckle, aloe, balm, the lichens and the stamens of all the flowers, the sex of flowers, the hermaphroditism, the spirit of fertilization of all the species of the world, of all animals and living beings, your desire to fuck, your desire to survive, your desire to prosper, your desire to transcend, I am the security protocols of all official buildings, the security doors, the security cameras, the panic rooms, the algorithms, the dark rooms, the hyperbaric chambers of the wealthy class, Oxygen and elite, I am botox, I am the allergic reaction, I am the admiration, I am the flashes, I am serenity, I am meditation, I am fitness, I am wellness, I am the sports routines, I am the composition of facial creams, I am the promises of the creams, I am the commercial strategies, I'm the stock market crash, I am the uncertainty, I am the adaptability, I am all soft materials, all elastic materials, I am all hydrophobic materials, I am the drought, I am the plague, I am the solidarity smoothies, I am the rubber that protects the bumper plates of the crossfit, I am the perfume of stores, I am the hydrocarbons, I am the smell of phytoplankton, I am the ocean currents, I am the sex of the algae, I'm the jellyfish, I am the electric fish, I am the cellular material of 3D printers, I'm the printed organ, I am the electric skin, I am synthetic skin, I am cyborg skin, I am the organs of the cyborg, I am cyborg love, I am the motor traction that flexes the limbs of a cyborg, I am the cyborg concern, I am the cyborg dream.

/e/ exposition/programmation / ()
by Ishai Shapira Kalter N°.0022 posted
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dear ishai,

thank you for being just a dear host to me. it was great to see you. and in paris no less. i love your israel cite suite, i’ll keep memories of rainy coffee talks about tinder, delicious pasta monastic style, the sartre book that matched the painting on the bike depot out the window. your rst sculpture above my air mattress, and charming blanket anxiety. what was the story about the sheet? imagining your sunset show falling asleep. our day of art, who was that video artist again, will you show her? the gilet jaune at the square. the noodles hole and dix-sept where we talked with the barcelonian who tried to kiss you.. no segure, no ricoure,,? and savine (sp?) the israeli bartender, who had gone to ponderosa, said it was intense social dynamics. she wasn’t kidding. its funny bc someone mentioned she had a hard time there and i knew what they were talking about. and then getting to come back but brie y 3 weeks later, to all the blenders, imagining your mother baking cakes. what did you call your power containers? how is your shoulder? did you go to the american hospital? i left you sleeping bc i thought you needed the rest. i didn’t sleep much so went and sat by the seine as the sun rose, preparing for family chapter. which went smoothly! everyone was on good behavior, and we even got newborn kittens.
now i’m back at the manse. lots to gure out. tapped trees for maple syrup, have a dumpster to tear the garage into, catching up on correspondence, finances, and planning the yr. floating in a strange kind of timeless re-entering.
i hope paris continues to be fruitful for you. thank you for sharing it with me.
until soon
yours
xx chip

/e/ exposition/programmation / My place isn't despairing, but it's softly haunted
by Paola Quilici / Lucille Léger N°.0023 posted
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Transitional bodies. Soft Occupations. Communitas—yearning. “To be” = to want to be forever. To space out. Magic urges upward, throughout the network. Something of the furniture. To be the furniture. The sidewalks of La Petite Couronne are alarming. They become cadenze. A dream or a bump between two rivers. Fourfold Vision and Medusa spirit and the collapse of unique reason—a surrender to the beloved. Le Visible et l’Invisible. New Sincerity post-Wicca. Making sure I don’t get hit by a self-driving car in the incantation. Wild carpet (a timeless placeless place).
To use the body and magic otherness to fasten word clouds. To map out old industrial cities. The perception of liminal caesura of the un/conscious in the midst of the process. And then, arising without a cause. Genderless narratives. Throwing each other to the Dreamsnake. The grasp of the real will result in an outright suppression of the brilliance that we wanted to stabilise, which is replaced by a set and a false light. Yellow flowers and Obsidian eyes. [Cellphone vibrates]. Where? Through the darkness, I blindly searched for my phone.The ritual has ended, but joy goes on.

and we are here on the edge
because in this space betwixt spaces
where nothing stands,
we are what it spells.

>readings/objects/video&sound by: Pauline Chasseray-Peraldi & Paola Quilici, Clara Pacotte, Rosanna Puyol, Giancarlo Pirelli.

/e/ exposition/programmation / Who knows what happened here?
by Léa Porré / Miyö Van Stenis N°.0024 posted
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I stepped into something strange

The two works exhibited here use a similar aesthetic to very different ends. La Tumba utilizes VR technology to crack open and re-examine, in a near-forensic way, a literal architecture of power known and feared in Venezuelan society: a prison where political dissidents are detained and tortured by agents of the government.

Meanwhile, Vin Dizen uses the ultra-seductive aesthetics of CGI to create a pseudo-ruin. Ancient fountains baring the noble profiles of lions overflow with contemporary iconography of Hot Wheels™ tires, converging inside a seemingly endless landscape. A permanently Instagrammable pixelated sunset and the low hum of something arcane disarms us, precluding any sense of skepticism. It comments on our obsession and ultimate deferral to “genuine” antiquity; how that desire has turned into its own highly lucrative industry in the age of hyper-capitalism, and has even flickered into the art world through “blockbuster” exhibitions like Damien Hirst’s Treasures from Wreck of the Unbelievable.

Both worlds are grounded in a contemporary desire stemming from the miraculous absence of knowledge - any question the demi-Gods of Siri or Google can’t solve. Where did these ruined objects come from? What really happens in the prison? Because we don’t know, we find ourselves subliminally manufacturing answers in order to satisfy our own need for an explanation.

When the viewer steps into these simulated worlds, she is confronted by these forces. Immediately her brain manufactures possible scenarios that led to the ruination in Porre’s piece, or empathize, in a bodily and affective way, with the fear and trauma of those disembodied witnesses who narrate Van Stenis’ simulated prison. The viewer’s emotional attachment to these digital worlds effectively continues their process of auto-mythologizing, as their power grows with every subsequent re-interpretation.

The title refers to these worlds as some ‘things’ and not some ‘wheres’ as these worlds are in fact immaterial fantasies, a digital alter-verse to be inhabited or gazed upon but never fully accessed. The viewer is held captive by this web of real and fake, hinging between feelings of fear and desire, the glut of visual data offered by seductive computer-generated imagery and the intense isolation of simulated torture chambers.

In a sense, the works are more concerned with the social and psychological response of the viewer than their own authenticity—a flex of power that makes their mythology all the more real. Held up by our desire for reason, they float above the viewer like gods, forever just slightly out of reach.

/e/ exposition/programmation / Dans cette arène sans poussière où les émotions se décolorent
by Eliott Paquet N°.0025 posted
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As she grabs a towel, she gets naked and puts on a green mud and seaweed mask on her face. «Turn on the bathtub’s led lights, heat the water and the oor, switch on the bubbles and the tea tree mist» Google home expects orders like an obedient sheep.
In her house, in the middle of her two huge rooms — at exact same schizo distance from both — a stomach-shaped, indoor pool, a flexed elbow — everything is ergonomic, you know what I mean. On the right, a private gym, in the back, a minimalist of ce with glass tables and plants; two, three or four aloes, a ficus lyrata, several orchid alevilla, a sanseviera, a philodendron, a library with books, everything is the same color. The linen curtains and sofas are pastel, the oors are white, covering all the large spaces. Two or three Buddhas and a Vishnu and a Ganesha. Everything is soft, very soft, like the clinic of an Apple dentist. The garden is Japanese — it has good feng shui, I dunno —, and there’s also lot of marble. Outside the front door, there is a sports car shiny shiny like an expensive pearl.
Liv opens ceremonially the packaging of her new body cream. The box makes an exquisite sound when she opens it — sliding paper against paper. She then grasps the foam rubber and the plastic inside. Sssshhhhrr. Pure joy. She smears it. A bit of Hydra Zen from Lancome, with NeurocalmTM, is spread out, and she leaves the pot, a pink dwarf crystal quartz jar, on top of a ceramic plate.
She immediately feels how it reduces the effects of environmental and emotional stress on her face, on her tits, on her legs and on her belly, and perceives how it calms and attenuates the tightness of her wrinkled, dry and atopic skin.
She managed to sell more shares on the stock market than expected; in fact, she has sold a shitload of it, promotion that nobody wanted.
She became a real Pump-n-Dump, obtaining a benefit of 1%, way above what her boss number 1 and her boss number 2 imagined.

She takes a pill with a vitamin booster, the bathtub is ready, the fruity smell of the bathroom and the heat fill everything, and you do not see a fucking thing anymore. She bathes, masturbates, combs her hair, takes a shit and then puts on the Gucci esh-colored tracksuit that lays on the bed. Perfumed and prepared. Like a new skin of a synthetic snake. She wears this set from the 2018 Cruise collection, a tribute to the equestrian world, a 100% cotton beige Jacquard GG. She now feels ready like a laser, relaxed and 100% motivated.
On her laptop, she reviews the talk she will give tomorrow about creative efficiency; an impeccable Keynote document in which she talks about productivity, competitiveness and innovation. She will mention technology, results, leadership and improvements, but should not forget to end her speech by highlighting the words HAPPINESS and GOOD.
She vapes on an electronic cigarette through her satisfied mouth, puffing away as she rehearses the speech. She uploads the le onto the cloud.
Now that a layer of uniform fat fully covers it, her skin shines like heaven. She caresses her tracksuit, looks at it, vapes.
1% pro t. It’s massage time.
Eliott Paquet is pleased to announce the inauguration of his artist-run space Placement Produit. An attractive venue in the city of Aubervilliers near Paris, focused on the production and exhibition of young contemporary artists.
For the space’s rst exhibition, the artist presents a new series of ergonomic pieces that re ects product design, nature, the human body, as well a set of graphic works that refer to corporate language, neoliberal lifestyle, wellness and the axioms of global business.